Nantes des merveilles

Le temps d'un week-end aoûtien, l'équipe a joint l'utile à l'agréable en s'échappant à Nantes, ville d'estuaire dont le dynamisme culturel n'est plus à vanter.
Ceci étant, nous voulions nous en rendre compte par nous-mêmes.
Et le constat est là : Nantes est bel et bien dans une mouvance qui place au premier plan et avec efficacité l'alliance entre réhabilitation urbaine, appropriation citoyenne et intégration sensible.
Les quais de Nantes s'animent ainsi au gré des lieux de rencontre, de partage, avec un resto-cantine, une espace lecture, des pubs... et des infrastructures obsolètes à qui l'on a apporté une symbolique renouvelée.
La grue des quais ne sert plus au chargement des bateaux mais continue d'offrir une ouverture sur la Terre.
Photo : AS Chemille

Nantes comporte bien trop de richesses pour que nous vous en proposions une visite exhaustive, ni même un peu complète. L'idée est, comme à notre habitude, de vous faire partager quelques instants et images qui nous ont parlés, comme c'est le cas pour les façades de l'île Feydeau. Certes cet alignement du 18ème s. est élégant en soi, mais c'est la mouvance des lignes qui interpelle l'œil... Les soubassements en pilotis, assis sur un banc de sable, affichent clairement les adaptations structurelles que la géologie a demandées aux bâtiments au cours du temps.
Façades de l'île Feydeau. Ph. S.Giuliato
Pour poursuivre sur le thème architectural, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur le château des ducs de Bretagne. Un chemin de ronde de 500 mètres de long ceinture l'édifice côté ville, alors que côté cour se dévoile une résidence du 15ème s. de style gothique flamboyant.  
Le château de Nantes, avec au 1er plan son mur d'enceinte et, derrière, le sommet de la résidence ducale. Ph. S.Giuliato
Autre édifice majeur de Nantes, la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. La visite vaut pour l'édifice en lui-même mais également pour les éléments mobiliers disposés à l'intérieur, et notamment le tombeau de François II.
Un ensemble sculpté représentant les gisants du duc de Bretagne et de sa seconde femme, Marguerite de Foix, a été réalisé de 1502 à 1507 par Michel Colombe à la demande de la fille des défunts, la reine de France Anne de Bretagne.
Il est difficile face à cet ouvrage d'art de s'en tenir à une description technique. Le travail du sculpteur est d'un tel raffinement qu'il se dégage de l'ensemble une impression pleine de douceur, de calme et de recueillement. Les gestes des anges, les expressions des visages, les postures des statues d'angle, tout appelle à la grâce et au respect bienveillant.
Les anges soutenant les coussins disposés sous François II et Marguerite de Foix. Photo : S.Giuliato

Placées aux quatre coins du tombeau, des figures allégoriques de femmes représentent le chemin vertueux que tout homme est appelé à suivre.

Vue en plongée d'une des statues d'angle. Photo : S.Giuliato

Allégorie de la "Justice", portant le livre de la Loi illustré de la balance de la Justice, ainsi qu'un glaive massif mais délicatement recouvert d'un pan de son écharpe (pour symboliser que la justice est rendue sans pour autant détruire l'individu). Ph. S.Giuliato

Nantes n'oublie pas non plus de regarder son passé en face, même le plus douloureux, à savoir la traite négrière au cours de laquelle le port a joué un rôle central. Pour son mémorial de l'abolition de l'esclavage, la ville évite l'écueil du confinement muséal dans des salles aseptisées mais choisit d'introduire des panneaux visuellement saisissants par leur contenu (cartes, chiffres, citations) au coeur même de l'ancienne activité portuaire.
Autrement dit, les lieux de l'Histoire deviennent véritablement des lieux de mémoire, la scénographie réintégrant in situ tout le poids du passé, et qui plus est au beau milieu de la vie quotidienne nantaise. Sans pathos exagéré, avec économie de moyens mais une efficacité redoutable quant à la prise de conscience suscitée.


Le sous-sol des quais aménagé en un espace muséal sobre et éloquent. Photo : S.Giuliato



Et puis il y a cette esplanade... Cet espace à l'air libre, au bord des quais, emprunté par les nantais qui se promènent, vont au travail... Et qui est jonché de petits encarts contenant le nom du navire, sa destination, sa date de départ et le nombre d'esclaves à son bord. Cette succession de paillettes, qui scintillent en pleine lumière et n'en finissent pas de parsemer le pavement, est humainement éprouvante mais tellement nécessaire pour prendre conscience du phénomène qui s'est déroulé.

Chemin de la mémoire esclavagiste. Photo : S.Giuliato

Pour continuer sur un ton plus léger, petit détour par le fantastique projet artistique des Machines de l'île. Né de l’imagination de François Delarozière et Pierre Orefice, cette idée inédite "se situe à la croisée des « mondes inventés » de Jules Verne, de l’univers mécanique de Léonard de Vinci et de l’histoire industrielle de Nantes, sur le site exceptionnel des anciens chantiers navals".
Et croyez-nous, votre âme de -grand- enfant va être comblée par ces trésors de machinerie et de poésie.
L'éléphant et le cheval-dragon sont les poids lourds de ce projet, et aimantent littéralement les foules ! Alors que l'éléphant arrose les passants regroupés le long de son parcours, le dragon simule des boules de feu et expulse la fumée par ses narines.

L'éléphant en balade. Photo : S.Giuliato

Le cheval-dragon en parade à Nantes avant de rejoindre sa destination finale : la Chine. Photo : S.Giuliato

Les machines activant le cheval-dragon. Photo : S.Giuliato
Qu'il s'agisse de côtoyer ses animaux depuis le sol ou de se faire transporter dans leurs entrailles métalliques, l'expérience est réellement inoubliable. Quand le génie humain conduit à des prouesses d'émerveillement...

Et le projet continue de croître, avec notamment l'arbre aux hérons qui s'étoffe peu à peu d'animaux et de végétaux toujours plus incroyables. D'ailleurs, en parlant d'oiseaux, là encore Nantes rajoute des plaisirs insouciants avec les installations artistiques de Claude Ponti. Le Jardin des Plantes se trouve ainsi occupé par des créatures végétales, des bancs aux formes absurdes ou hilarantes..., comme autant d'éléments venant titiller notre imagination et ré-ouvrir notre créativité.
Le massif du poussin endormi. Avec, à ses côtés, une valise prête à parcourir le monde. Photo. S.Giuliato

Une superbe découverte, pleine de gaité, de surprises et surtout du simple plaisir de déambuler parmi des inconnus tout autant ébahis que nous.
Restons quelques instants de plus sur le thème des oiseaux en évoquant l'exposition temporaire présentée au muséum d'histoire naturelle de Nantes.  "Plumes de {dinausores}" se tient jusqu'au 03 janvier 2016 et mérite vraiment une visite.
Cette exposition a été réalisée en partenariat avec la province chinoise du Liaoning où des découvertes de fossiles de nouveaux dinosaures ont révolutionné notre manière de voir ces animaux. 
L'exposition met "en vedette des dinosaures à plumes, des oiseaux aux ailes griffues, les plus anciennes fleurs connues au monde ou les premiers insectes pollinisateurs… L’histoire exceptionnelle d’un monde disparu grâce au prêt de spécimens rarissimes par le Musée Paléontologique du Liaoning au Muséum de Nantes".

Le T. rex recouvert de plumes comme un poulet ? Bien possible... d'autant que les oiseaux continuent de porter en eux les gènes de ces lointains ancêtres. 
Confuciusornis sanctus, un des plus anciens oiseaux sans dents et sans queue osseuse. De la taille d'un corbeau, il a vécu au Crétacé inférieur (vers 120 millions d'années). Muséum d'histoire naturelle de Nantes. Ph. S.Giuliato

Pour vous faire une meilleure idée, jetez un œil à cette courte vidéo réalisée par l'excellente équipe de Lab³.

Enfin, nous concluons ce tour d'horizon nantais par une escale devant l'une des œuvres du parcours artistique qui jalonne l'estuaire jusqu'à Saint-Nazaire. Nous choisissons de vous présenter "La Maison dans la Loire" de Jean-Luc Courcoult, une revisite de l'ancienne auberge du village de Lavau posée au bord du fleuve, comme échouée.

Laissons les mots de l'artiste expliquer sa démarche : "Une maison dont les fondations capturées par la vase penchent légèrement, volets fermés, comme une épave inhabitée bien que la cheminée fume encore.“C’est ça que j’appelle le réalisme imaginaire. ‘Réalisme’ parce qu’il s’agit d’une réalité concrète, tangible, palpa- ble, absolue. Et ‘imaginaire’ parce que le but, c’est d’introduire le rêve dans la vie des gens." Pari réussi !



"La Maison dans la Loire". Photo : S.Giuliato



Nous refermons ici cette parenthèse nantaise sur une note de saine absurdité, sur un grain de folie salvateur. Que le vent de créativité inspirée qui souffle sur Nantes continue très longtemps à nourrir son identité.



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