Don Marcelino, un regard amérindien sur l'Europe


Le 01 avril 2015 au soir, nous avons poussé la porte de l'école Notre Dame à Bordeaux, où la librairie Pégase délocalisait pour la première fois une de ses conférences. Le thème de la soirée : "Regard amérindien sur l'Europe : maladie, santé, guérison" en compagnie de Don Marcelino. La communication de l'événement annonçait Don Marcelino comme un citoyen de la planète terre, un nomade originaire des nations amérindiennes qui voyage pour faire connaître leur sagesse.

Le personnage ne nous était pas connu. Quelques recherches rapides sur le net nous laissent curieuses. Un médecin traditionnel qui se dit ouvertement non chaman, c'est rafraichissant au vu du fleurissement de chamans de tout poil ces dernières années !

Dès le début de la conférence le ton est donné, il sera question de spiritualité.

La thérapie retire les souffrances mais ne conduit pas à la spiritualité. Don Marcelino

Et d'énergie aussi. Selon Don Marcelino, "vous êtes un corps dans lequel cette énergie, l'âme, s'incarne".  Le but de cette incarnation ? Apprendre à être humain, retrouver cette connaissance perdue. Car "l'animal humain est en train de devenir humain" en cherchant plus de paix et moins de souffrance. Et de renchérir : "La spiritualité, c'est devenir de plus en plus humain", comprenez se détourner des tortures, des meurtres de masse, des violences, et aspirer à plus d'amour. 

S'enraciner [comme un arbre] pour devenir de plus en plus humain. Don Marcelino

L'intention est simple, attirante. Un détail m'intrigue; le personnage emploie le "nous", rarement le "je". Il parle des amérindiens comme d'un ensemble a priori homogène. Aucune définition en préambule n'a été faite de la tradition de laquelle il est issue, du creuset péruvien dont il est originaire. Car il semble périlleux et difficile de véhiculer une idée de globalité amérindienne tant le continent dont il est question est vaste en termes géographiques, culturels et historiques. Les rites, coutumes, types de sociétés y ont été et sont toujours particulièrement diversifiés, et tendre à une uniformisation -de vulgarisation ?- pose quelques questions de cohérence.

Nous gardons ces points en tête et continuons avec le message de Don Marcelino. Celui-ci nous expose les étapes de l'initiation amérindienne.

Il s'agit tout d'abord de partir en montagne pendant 3 ou 4 jours afin de rencontrer le conseiller : notre propre mort. Cette mort qui nous dit : "Non, tu n'es pas important, je te prends quand je veux". Lorsque l'on vous demande qui vous êtes, vous avez tendance à répondre "je suis avocat", "je suis plombier"... mais ce personnage n'est que façade et finalement n'a aucune utilité. 

Le personnage que vous croyez que vous êtes, et le personnage que les autres croient que vous êtes. Don marcelino

Mais alors qui sommes-nous derrière cette façade ? C'est ce que la mort tente de nous faire découvrir en nous incitant à ne pas rester dans nos prisons respectives et à "goûter à la vie". Don Marcelino revient sur les thérapeutes : "[Ils] colorent ta prison mais tu ne sors pas. Alors que tu as la clé pour trouver la paix et savourer la vie". 

La deuxième étape consiste à "aimer son corps éperdument. Éperdument". Car Don Marcelino nous dit que le corps est "le temple de cette énergie incarnée en contact avec le cosmos". Et quand le corps n'en peut plus des contraintes auxquelles on le soumet quotidiennement (stress, alimentation, pollution, etc) il finit par exprimer bruyamment sa souffrance.

Vous ne pouvez pas aimer le corps de l'autre si vous n'aimez pas votre corps. Don Marcelino

Il en va de même pour les thérapeutes (encore eux!) et autres praticiens de diverses disciplines qui fleurissent avec autant de vigueur que les nouveaux chamans. Si le corps n'est pas en paix, l'émetteur, aussi convaincu soit-il, ne peut recevoir l'énergie et la redonner dans de bonnes conditions. 

Le mental a bien entendu son rôle à jouer dans cet équilibre. La parole peut être libératoire mais aussi destructrice car elle est vibration, énergie. Nous avons tous fait l'expérience de nos réactions face à une musique qui nous apaise ou au contraire nous irrite, face à des propos blessants ou au contraire réconfortants. Alors pour faire taire ce mental, Don Marcelino nous conseille - de sa voix paisible, convaincue, animée - de nous inscrire à un cours de danse africaine pour mieux nous enraciner.

Enfin, dernière étape de cette initiation : la prière.

Vous priez sans le savoir, comme vous respirez sans le savoir. Don Marcelino

Don Marcelino nous explique que les amérindiens n'ont pas de religion et que leur "Bible, c'est la nature et le cosmos". Observer un coucher de soleil en silence est ainsi un acte de prière, "c'est une énergie puissante qui sort de vous".

Les voyages initiatiques dans lesquels se lancent les occidentaux attirés par les mirages de l'ayahuasca sont doucement mais fermement décriés par Don Marcelino, qui estime "qu'il y a des gens qui sont de bonne foi, peut-être..." parmi ces occidentaux qui ouvrent leur cabinet de chaman après ce genre d'expériences. Selon le médecin, les véritables curanderos sont des paysans, des gens du peuple qui officient au sein de leur communauté et ne viennent pas chercher le contact commercial.

Les "blancs" qui vont là-bas et nous imitent ici, nous imitent mal. Don Marcelino

On l'aura compris, Don Marcelino a un avis bien tranché sur les manifestations étiquetées traditionnelles en Europe, et apporte les arguments à la clé.

Il en vient ensuite à évoquer plusieurs thèmes en lien avec ses propres pratiques.

Il explique ainsi que les anciennes traditions conservent une profonde relation avec les ancêtres, et que ces derniers ont simplement changé de monde. Ils ont récupéré leur mémoire et sont toujours là pour nous aider car le lien d'amour ne peut mourir. Il est question de fantômes, d'entités issues en partie de la tradition judéo-chrétienne et sur lesquels son discours est peu clair. En revanche, il nous propose un stage de 2 jours pour aller à la rencontre de nos ancêtres et écouter ce qu'ils ont à nous dire. Le rôle de Don Marcelino est de favoriser cette rencontre pour transmettre la voix des ancêtres.

Il prêche également l'amour de la Terre et préconise l'écoute de la nature à travers les arbres, les pierres, toutes ces énergies qui selon lui sont emplies de mémoires. Car ces éléments "sont vivants, aussi". Et d'en revenir à l'amour que nous devons manifester envers notre corps pour commencer à être authentique, car le détruire revient à détruire la Terre. Il propose une retraite de 5 jours dans ce sens.

Un autre point essentiel qu'il aborde est la question du "comment être en santé". 

Comme un enfant, ce corps il faut l'éduquer. Don Marcelino

Les différentes énergies qui nous constituent nécessitent une nourriture différente de celle donnée au corps physique. Or nous les nourrissons de beaucoup de pensées négatives. Celles-ci saturent notre corps mental, entraînant une fatigue dans le corps énergétique, répercutant une tristesse dans le corps émotionnel et causant la maladie dans le corps physique. 
Les énergies du corps selon Don Marcelino. Schéma S. Giuliato

Si le corps mental est mal élevé et mal nourri, il domine les autres. En revanche si on l'alimente avec de bonnes nourritures, il descend sur tous les autres de façon bénéfique. Don Marcelino nous invite à nous nourrir du silence, des lieux, des amis, des rires... Il nous rappelle que la vie est simple et que nous la compliquons avec le mental. Rien de plus simple que ses préconisations en effet, mais est-ce aussi facile de les appliquer ?

Il véhicule un message de paix, de non-culpabilité et de non-souffrance. Il souhaite par son action apaiser les générations précédentes et futures en purifiant l'empreinte retransmise par les événements du passé.

Évidemment, libre à chacun de se faire une opinion du personnage et de ses croyances. Nul doute que les expériences décrites dans ses ouvrages - qui s'écoulent allégrement lors de la pause - ont procuré leurs bienfaits aux pratiquants et consultants des stages et entretiens individuels. Quant à nous, nous restons sur notre faim. Certaines réponses ont été évasives, certaines affirmations contradictoires, certains aspects trop réducteurs... On sent le discours bien rodé. Pour autant, Don Marcelino parait authentique et convaincu, et son message présente le mérite d'exposer simplement et clairement un concentré d'incitations positives qui sont toujours bonnes à entendre.


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