Journées Nationales de l'Archéologie 2015 : échappée guadeloupéenne

Ce week-end, de vendredi à dimanche, se déroulent partout en France les Journées Nationales de l'Archéologie. Cette année à Bordeaux, c'est l'occasion notamment de partir Outre-Mer et de découvrir en détails le site archéologique des Raisins Clairs, en Guadeloupe. 

Localisé en Grande-Terre sur la commune de Saint-François, ce très vaste ensemble funéraire a fait l'objet d'une prospection en 2013 puis de fouilles préventives pendant 1 mois entre janvier et février 2014. Jérôme Rouquet, anthropologue de l'Inrap et responsable scientifique, nous présente les résultats lors de sa conférence intitulée "Le site colonial des Raisins Clairs à Saint-François : un cimetière d'esclaves inédit mis au jour en Guadeloupe".

Ce site littoral n'était pas concerné par un projet d'aménagement mais directement menacé par l'érosion des côtes sableuses provoquée par la succession récente de tempêtes tropicales. Compte tenu du nombre de sépultures mises progressivement au jour, l'équipe Inrap a dû se contenter de fouiller environ 1/3 de la surface prévue initialement par le Ministère de la Culture.

Les individus enterrés dans ce cimetière sont en majorité des hommes, avec néanmoins une proportion significative de femmes. Des enfants sont également présents mais peu d'individus très jeunes ou très âgés sont dénombrés. 

Les ossements des défunts laissent apparaître notamment des maladies arthrosiques et des traumatismes de type fractures. Les dents sont souvent très abîmées, effet probable de la mastication répétée de la canne à sucre. Pas de signe de pathologie suggérant une mortalité massive, comme souligne le conférencier avec un sourire "c'est un cimetière qui vit sa vie", tranquillement, au gré des décès.

Quasiment tous les défunts ont été inhumés dans des cercueils en bois aux formes hexagonale ou octogonale, selon une orientation est-ouest suggérant la pratique -imposée ?- du culte chrétien. Très peu d'objets ont été retrouvés à l'intérieur des sépultures, quelques fragments de céramique, de verre, boutons, pipes en terre...

La très forte densité des corps -qui se recoupent, se jouxtent, se retrouvent parfois sous forme d'ossements dans la terre de comblement ou empilés soigneusement près d'un autre défunt-, l'isolement relatif du site par rapport à la ville, la présence d'un collier de servitude en fer autour des vertèbres cervicales d'un défunt et celle de dents élimées en pointe suggérant un rite d'Afrique de l'ouest, l'âge des individus inhumés... sont autant d'indices qui suggèrent un cimetière d'esclaves.

La portion mise au jour par la fouille, soit 66 m², concerne probablement à peine 8% du site et a livré 111 sépultures. Les ossements sont toujours en cours d'étude, et le site fouillé est désormais gagné par la mer. L'idée d'une prochaine fouille programmée a semble-t-il été évoquée mais sans plus de certitudes. Le 10 mai dernier a été inauguré à Pointe-à-Pitre le Mémorial Acte, centre caribéen d'expressions et de mémoire de la traite et de l'esclavage; à ce titre, la recherche archéologique a plus que jamais un rôle essentiel à jouer dans la connaissance du passé colonial. 

Retrouvez informations et photos sur le site de l'Inrap.  

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