Philosophia

Petite oxygénation au vert, en passant par le chemin des vignobles, pour aller à la rencontre de l'humain...
Direction la cité de Saint-Emilion, où le week-end prolongé et le soleil éclatant font affluer touristes, promeneurs et festivaliers.  

Du 24 au 28 mai, Saint-Emilion accueille le 11ème festival Philosophia, "événement majeur pour l’apprentissage et la transmission de la connaissance, un lieu de liberté où chacun a la possibilité de découvrir et d’approfondir les sujets de réflexion de son choix".


L'édition 2017 met "Le Corps" à l'honneur, lors de conférences, rencontres, balades philo, ciné-conférences... Le programme est séduisant et les approches diverses. 

Les pieds dans l'herbe dans le cloître de l'église collégiale, j'opte pour la conférence de l'astrophysicien Jean Audouze sur "Les corps célestes". Ou comment nous inviter à une plongée dans le cosmos avec humour et clarté, pour nous rappeler que, de par notre constitution atomique, nous ne sommes en substance que du vide... 
De quoi ramener nos égos sur terre :)
Mais aussi nous faire rêver. Car nous sommes littéralement des morceaux de corps stellaires, issus de générations d'étoiles qui ont existé bien avant la création de notre système solaire et qui ont synthétisé les éléments chimiques dont nous sommes composés.  

Jean Audouze - Festival Philosophia 2017. Ph. S.Giuliato

Jean Audouze aborde également la question de l'origine de la vie et les deux grandes théories en cours : une apparition in situ, propre aux conditions offertes par notre planète, ou une origine externe (panspermie) via l’existence de grains de vie présents dans l'univers et qui éclosent quand ils sont en présence de facteurs externes favorables. Selon l'astrophysicien, "la probabilité qu'il y ait une vie ailleurs est très élevée", ce que les futures missions américaines devraient éclairer dans les années 2020 en allant notamment explorer les glaces du satellite Europe.

Après ce va-et-vient entre nos corps physiques et les corps célestes, c'est au tour du neurologue Lionel Naccache de présenter une conférence sur le cerveau tel qu'on l'envisage en 2017. Ah le cerveau, là encore vaste sujet... qui comme toutes les disciplines évolue avec les moeurs, les moyens, les tendances... Car oui, les chercheurs pensent avec les moyens du bord, et c'est normal. Il faut juste en avoir conscience !

Dessins du cerveau, Léonard de Vinci

Lionel Naccache expose tout d'abord le point de vue en faveur d'un cerveau humain indépendant du corps, dont l'in-corporation ne serait réellement qu'un détail. Nos quelques 100 milliards de neurones suivent un fonctionnement binaire d'action ou de repos (un peu comme l'alternance 0 - 1 en codage informatique) et communiquent entre eux via une architecture complexe que les neurosciences cognitives apparentent à une véritable machinerie de l'information. D'où l'idée qu'une fois ce réseau mis en place, le cerveau peut fonctionner seul, à l'instar des rêves. D'où également l'éclosion des recherches en intelligence artificielle se basant sur le fonctionnement computationnel du cerveau. 

Sauf qu’évidement, les choses ne sont pas si simples... et tant mieux ! Que serions-nous si nous n'existions qu'au travers d'un cerveau ? La perspective fait frémir. 
Car le corps a lui aussi son mot à dire. De même qu'une aire cérébrale ne fait pas fonctionner seule une capacité (comme l'aire de Broca n'est pas à elle seule responsable du langage), notre cerveau récupère des informations par les canaux corporels. Et pas uniquement sensoriels ; la sueur et les tremblements par exemple indiquent au cerveau que nous ressentons de la peur. Le corps permet également de faciliter des prises de conscience au sein du cerveau. Sans oublier les différentes régions cérébrales qui communiquent par le biais de marqueurs somatiques qu'elles inscrivent dans le corps et qui leur servent de relai d'information.   

Julien Naccache - Festival Philosophia 2017. Ph. S.Giuliato

Lionel Naccache expose ensuite quelques cas cliniques illustrant le désordre qui peut s'installer dans la conscience de soi, dans ce lien entre cerveau et corps : le phénomène appelé "négligence" où un côté du corps est totalement nié par la conscience de l'individu, le syndrome de Cotard où les organes sont perçus comme morts ou néfastes, l'adoption par le cerveau d'une main artificielle dans la Rubber Hand Illusion, ou encore des expériences induites par caméra qui suggèrent au cerveau qu'il n'est plus au même endroit que son corps.  

Autant de cas, de théories et de travaux qui montrent toute la complexité du cerveau, et qui prouvent que le rapport à soi ne va finalement pas de soi.

Deux orateurs, deux exemples, deux approches... de l’infiniment grand à l'intimité de nos neurones...  pour un voyage dans les origines et les potentialités de l'humain, cet être vivant qui s'inscrit dans un continuum à la fois physique et immatériel. Car les faits sont là, au travers des mots d'Auguste Comte : "Il y a plus de morts que de vivants. Et ce sont les morts qui dirigent les vivants". L'archéologie a elle aussi beaucoup à ajouter au discours sur la vie...

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